Une violence systémique enfin mise en lumière

Le secteur de la santé, souvent perçu comme un univers noble et altruiste, cache pourtant une réalité alarmante. En 2024, deux enquêtes majeures, menées respectivement par le Conseil National de l’Ordre des Médecins et l’Ordre National des Infirmiers, ont révélé l’ampleur des violences sexistes et sexuelles (VSS) subies au sein du milieu hospitalier et médical. Ce phénomène, longtemps occulté, commence à être mesuré, quantifié et dénoncé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et imposent une prise de conscience collective.

Ce que recouvrent les violences sexistes et sexuelles dans la santé

Les VSS englobent des comportements très variés, allant des remarques déplacées jusqu’aux agressions physiques et viols. En milieu hospitalier, elles peuvent prendre une forme insidieuse, sous couvert d’humour ou de hiérarchie. En France, ces violences sont encadrées légalement, notamment depuis la loi du 3 août 2018, qui a introduit l’outrage sexiste dans le Code pénal. Malgré ce cadre, la réalité du terrain démontre que l’application des lois reste inégale, surtout dans des secteurs où l’autorité est souvent intériorisée et rarement contestée.

Pourquoi le secteur de la santé est-il si vulnérable ?

L’environnement médical, très hiérarchisé, favorise les abus de pouvoir. Les internes, les jeunes soignants ou les étudiants en médecine se trouvent souvent dans une position de dépendance vis-à-vis de leurs encadrants, ce qui rend la dénonciation des faits particulièrement difficile. À cela s’ajoute une culture professionnelle où le silence est valorisé et la souffrance perçue comme une preuve de vocation. Ce terreau fertile à l’inaction contribue à faire perdurer les violences, malgré les alertes.

Chiffres et constats

Les médecins face aux VSS : les chiffres accablants de 2024

L’enquête du Conseil National de l’Ordre des Médecins, menée auprès de plus de 21 000 praticiens, a mis au jour une situation préoccupante. Plus de la moitié des médecins interrogés affirment avoir été témoins ou informés de situations de VSS au cours de leur carrière. Près de 30 % reconnaissent en avoir été eux-mêmes victimes. Ce chiffre monte même à 54 % chez les femmes médecins, contre seulement 5 % chez les hommes.

Les violences sont multiformes : commentaires sur l’apparence, allusions sexuelles, chantage, gestes déplacés, et parfois bien plus graves. Les lieux où ces actes se produisent sont variés – salles de garde, blocs opératoires, couloirs déserts – et les auteurs sont très souvent des collègues, voire des supérieurs hiérarchiques. Le fait le plus inquiétant reste que dans un quart des cas signalés, l’auteur est lui-même médecin. Cela illustre à quel point le problème est endogène au système.

Les infirmiers et infirmières : un personnel particulièrement exposé

L’Ordre National des Infirmiers a, pour la première fois, lancé une vaste consultation sur ce sujet. Plus de 22 000 professionnels ont répondu à l’appel, révélant une réalité encore plus dure. Près d’un infirmier sur deux a déjà été victime de VSS dans le cadre de son exercice. Le taux monte à 53 % chez les femmes, mais concerne aussi 24 % des hommes, un chiffre souvent ignoré dans les représentations sociales.

Les violences subies sont majoritairement verbales, mais les agressions physiques, bien que plus rares, sont loin d’être anecdotiques. Les auteurs ne sont pas seulement des collègues : patients, familles, supérieurs ou visiteurs peuvent également être à l’origine des actes. Plusieurs infirmières ont notamment rapporté avoir subi des violences sexuelles durant des soins à domicile, dans des contextes d’isolement total.

Des chiffres incomplets et un silence encore pesant

Il est important de souligner que ces données, aussi choquantes soient-elles, sont probablement en deçà de la réalité. Les spécialistes du sujet estiment que de nombreuses victimes n’ont pas participé aux enquêtes, par crainte ou par scepticisme vis-à-vis des actions qui en découleraient. Le manque de sensibilisation, le manque de communication sur les cellules de signalement, et parfois l’impunité de certains agresseurs, continuent d’alimenter un cercle vicieux. La peur de perdre son poste, de ne pas être crue ou d’être ostracisée explique pourquoi tant de victimes choisissent encore de se taire.

Les conséquences sont lourdes : isolement, anxiété chronique, baisse de motivation, voire abandon de carrière. Ce mal invisible pèse sur tout le système, affectant aussi bien la santé mentale des soignants que la qualité des soins aux patients.

Réponses des ordres et du gouvernement

Les premières réponses institutionnelles en 2024

Face à l’ampleur du problème, les ordres professionnels ont commencé à réagir. Le CNOM a affiché une politique de tolérance zéro, promouvant des dispositifs de formation, des référents déontologie et un accompagnement psychologique des victimes. L’Ordre des Infirmiers, de son côté, a initié une campagne de sensibilisation dans les IFSI et ouvert une plateforme sécurisée pour recueillir les témoignages anonymes.

Du côté de l’État, le ministère de la Santé a annoncé un plan de lutte national, intégrant notamment une obligation de formation sur les VSS dans tous les cursus médicaux, et des audits réguliers dans les établissements publics. Des budgets ont également été alloués à la création de cellules de soutien psychologique dans les hôpitaux.

Initiatives et recommandations pour lutter contre les VSS

En réaction à la montée de ces révélations, le ministre de la Santé Yannick Neuder a annoncé en janvier 2025 un plan d’action national. Ce plan repose sur quatre axes principaux : objectiver les situations de VSS, lever les freins au signalement, améliorer les procédures de traitement des cas, et renforcer la prévention par des campagnes de sensibilisation.

Le rapport interministériel de septembre 2024 formule 41 recommandations concrètes. Il préconise de rendre obligatoire la formation à la prévention des VSS pour tous les professionnels de santé, en particulier ceux occupant des postes à responsabilité. Il propose également la mise en place de cellules d’écoute pluridisciplinaires dans les établissements de santé, un système de signalement anonyme, et un suivi statistique régulier des cas signalés.

Une urgence éthique et humaine

Les chiffres dévoilés en 2024 ne laissent plus place au doute : les violences sexistes et sexuelles dans le secteur de la santé constituent une crise systémique. Elles n’épargnent aucun métier, aucune spécialité, aucun niveau hiérarchique. Ce n’est pas un simple dysfonctionnement, c’est une culture du silence et du pouvoir qu’il faut déconstruire.

Agir, c’est aujourd’hui une obligation morale. L’urgence est d’écouter, de croire, de protéger et de former. Mais surtout, il faut reconnaître que derrière chaque chiffre, il y a un visage, une voix, une carrière brisée ou mise en péril. La santé commence aussi par celle de ceux qui soignent.

FAQ sur les violences sexistes et sexuelles dans la santé

Les propos déplacés, les commentaires sexistes, les regards insistants ou les gestes inappropriés sont les formes les plus courantes. Mais les agressions physiques et sexuelles sont aussi présentes, bien que plus taboues.

Oui, les auteurs peuvent être sanctionnés pénalement, mais aussi disciplinés par leur Ordre professionnel. Les sanctions vont de l’avertissement à la radiation, selon la gravité des faits.

  • Parler à un référent ou à un supérieur de confiance
  • Contacter une cellule VSS de l’établissement
  • Porter plainte si nécessaire
  • Se faire accompagner par un syndicat ou une association

La peur de ne pas être crue, les risques pour la carrière, la pression sociale et le manque de dispositifs efficaces dissuadent beaucoup de témoins ou de victimes.

Non. Si la majorité des victimes sont des femmes, les hommes aussi peuvent être concernés, notamment par des remarques sexistes sur leur rôle dans des métiers dits “féminins”, ou par des agressions.

Reconnaître et comprendre les différents types de violences sexuelles et sexistes est essentiel pour garantir un environnement professionnel respectueux dans le secteur de la santé. La lutte contre ce fléau passe par la sensibilisation, l’application stricte du cadre légal et surtout par la formation.

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