Le harcèlement sexuel est un fléau silencieux qui touche de nombreux secteurs, y compris celui de la santé. Dans les hôpitaux, où les pressions sont constantes et les hiérarchies marquées, les victimes peuvent se retrouver isolées, dans une détresse à la fois psychologique et professionnelle. Comprendre ce que recouvre le harcèlement sexuel, savoir comment le reconnaître, et surtout, connaître les recours possibles est essentiel pour toute personne confrontée à cette situation.
Qu’est-ce que le harcèlement sexuel ? Une définition juridique
Le harcèlement sexuel est encadré par plusieurs textes juridiques en France : le Code pénal, le Code du travail et le Code général de la fonction publique. Ces définitions permettent d’identifier les comportements répréhensibles, et de rappeler les obligations des employeurs, notamment à l’hôpital.
Le Code pénal : une infraction pénale
L’article 222-33 du Code pénal définit le harcèlement sexuel comme suit :
« Le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui :
- portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant,
- ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. »
Cet article précise également que « est assimilé au harcèlement sexuel, le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle ». Cette disposition permet d’inclure dans la définition le chantage sexuel, même s’il est unique.
Le harcèlement sexuel est donc une infraction pénale, passible de 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, voire plus en cas de circonstances aggravantes (autorité hiérarchique, victime mineure, etc.).
Le Code du travail : une atteinte à la dignité au travail
Dans le secteur privé, c’est l’article L1153-1 du Code du travail qui s’applique :
« Aucun salarié ne doit subir des faits :
- de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui portent atteinte à sa dignité,
- ou créant une situation intimidante, humiliante, hostile ou offensante. »
Le Code du travail protège également contre les pressions graves, même non répétées, à des fins sexuelles, tout comme le Code pénal. Il interdit aussi toute sanction, licenciement ou discrimination envers une personne ayant subi ou dénoncé un harcèlement sexuel.
L’employeur, y compris à l’hôpital, a l’obligation de prévenir les risques professionnels, y compris ceux liés au harcèlement sexuel, et de les traiter s’ils surviennent.
Le Code général de la fonction publique : une protection spécifique aux agents publics
Le Code général de la fonction publique (CGFP), qui régit les agents hospitaliers (fonction publique hospitalière), prévoit également des dispositions claires. L’article L133-2 du CGFP stipule :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les faits :
- de harcèlement sexuel dans l’exercice de ses fonctions,
- ni de toute mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de ces faits. »
Cela s’applique aux agents titulaires, contractuels, stagiaires, etc. Le harcèlement sexuel dans la fonction publique hospitalière est donc formellement interdit, et les administrations ont l’obligation d’y mettre un terme et de protéger leurs agents.
Le harcèlement sexuel à l’hôpital : un problème systémique
Le secteur hospitalier présente des facteurs de risque accrus de harcèlement sexuel :
- Hiérarchie forte : internes, externes, infirmières, aides-soignantes, agents administratifs… La verticalité des rapports peut favoriser des abus d’autorité.
- Culture du silence : la priorité donnée au patient, la pression constante, et la solidarité de corps peuvent dissuader les victimes de parler.
- Isolement des victimes : travail en horaires décalés, équipes instables, sous-effectif… Les victimes peuvent être seules face à leur agresseur.
Les comportements peuvent être variés : remarques déplacées, gestes à connotation sexuelle, propositions insistantes, regards appuyés, voire agressions sexuelles.
Que faire en cas de harcèlement sexuel à l’hôpital ?
Face à une situation de harcèlement sexuel, plusieurs recours sont possibles, en interne comme en externe. Voici les principales démarches.
Identifier et documenter les faits en cas de harcèlement sexuel à l’hôpital
Il est crucial de documenter les comportements subis : dates, lieux, propos, témoins éventuels. Même si cela peut sembler difficile émotionnellement, cela constituera une preuve importante en cas de procédure.
Un harcèlement non répété mais grave (chantage sexuel, agression) est aussi à signaler. Aucun acte n’est « trop petit » pour être pris en compte.
Parler à une personne de confiance en cas de harcèlement sexuel à l’hôpital
Il est recommandé d’en parler à un collègue de confiance, un supérieur, un syndicat, ou même un psychologue du travail. Ce premier pas permet de ne pas rester isolé(e) et d’envisager les étapes suivantes.
Alerter les référents instances internes en cas de harcèlement sexuel à l’hôpital
Dans les hôpitaux publics, plusieurs dispositifs existent :
- Le supérieur hiérarchique peut (et doit) agir dès qu’il a connaissance d’un harcèlement.
- Le référent égalité dans les établissements publics : obligatoire dans tout établissement public de santé, ce référent est la personne ressource principale permettant aux agents de signaler et d’accompagner les violences sexistes et sexuelles. Le traitement est confidentiel.
- Le référent « harcèlement sexuel » dans les établissements privés : les établissements privés doivent disposer d’un référent harcèlement au CSE (plus de 11 salariés) voire d’un référent harcèlement employeur (plus de 250 salariés).
- Médecin du travail ou psychologue hospitalier
L’employeur est tenu de protéger la santé physique et mentale de ses agents. Ne pas agir l’expose à des sanctions.
Le rôle crucial de l’hôpital : prévenir et agir face aux VSS
Dans le contexte hospitalier, qu’il s’agisse de la direction d’un hôpital public ou privé — joue un rôle central dans la lutte contre le harcèlement sexuel. Ce rôle ne se limite pas à une réaction une fois les faits révélés : il implique une véritable politique de prévention, de sensibilisation et de protection des agents. La loi impose en effet à l’employeur une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés ou agents. Cela signifie qu’il doit tout mettre en œuvre pour assurer leur santé mentale et physique sur leur lieu de travail.
Concrètement, cela passe d’abord par la mise en place d’actions de formation. Ces formations doivent viser à prévenir les comportements sexistes et les violences sexuelles au sein de l’établissement. Elles sont destinées aussi bien aux personnels d’encadrement qu’aux agents, et permettent de faire connaître les droits de chacun, de clarifier les limites des comportements acceptables et de sensibiliser aux conséquences du harcèlement. Cette démarche contribue à créer une culture commune de respect, et à libérer la parole.
L’employeur doit également assurer une communication claire et accessible concernant les recours disponibles pour les victimes. Cela suppose notamment l’affichage visible des numéros d’urgence, des dispositifs de signalement existants, ainsi que des procédures internes à suivre en cas de harcèlement sexuel. Cette visibilité est un signal fort envoyé aux agents : l’établissement prend ces questions au sérieux et se tient prêt à agir.
Lorsqu’un signalement est effectué, il est de la responsabilité de l’employeur de protéger la personne qui déclare avoir subi des faits de harcèlement. Cela implique de garantir sa sécurité, de veiller à ce qu’elle ne subisse aucune mesure de rétorsion ou de discrimination, et de s’assurer qu’elle puisse continuer à travailler dans un environnement sain. Dans certains cas, cela peut conduire à organiser des changements de service, voire à écarter temporairement l’auteur présumé pendant l’enquête, dans le respect du principe de présomption d’innocence.
Enfin, l’employeur a l’obligation de diligenter une enquête dès lors qu’un fait de harcèlement sexuel lui est signalé. Cette enquête doit être menée avec sérieux, dans un cadre garantissant la confidentialité des échanges, l’écoute des parties concernées, et le recueil d’éléments de preuve. À l’issue de cette enquête, des mesures doivent être prises si les faits sont avérés : sanctions disciplinaires, dépôt de plainte, voire transmission à la justice si nécessaire.
Le non-respect de ces obligations par l’établissement peut avoir de lourdes conséquences. Il engage la responsabilité civile de l’employeur, en cas de dommage causé à la victime, mais aussi sa responsabilité pénale, notamment si une faute caractérisée est retenue. Plus encore, cela contribue à entretenir un climat délétère dans l’hôpital, à décourager la prise de parole, et à renforcer le sentiment d’impunité des agresseurs.
Briser le silence du harcèlement sexuel pour changer le système
Le harcèlement sexuel à l’hôpital n’est pas un « fait divers », ni un simple « malentendu ». C’est une violence grave, aux conséquences lourdes pour les victimes : souffrance psychologique, arrêt maladie, perte de confiance, voire départ du métier.
Il est essentiel de rappeler que la loi protège les victimes, et que de plus en plus de structures mettent en place des protocoles de signalement efficaces. Parler, témoigner, signaler, ce n’est pas trahir l’hôpital, c’est au contraire le rendre plus juste et plus humain.
L’importance de reconnaître les VSS dont le harcèlement sexuel à l’hôpital
Reconnaître et comprendre les différents types de violences sexistes et sexuelles, dont le harcèlement sexuel, est essentiel pour garantir un environnement professionnel respectueux dans le secteur médical. La lutte contre ce fléau passe par la sensibilisation, l’application stricte du cadre légal et surtout par la formation.
Ensemble, construisons un environnement inclusif où chacun peut travailler sereinement sans crainte ni discrimination.
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